Devant un lavabo, une jeune femme se tient face à un miroir. Regard baissé, elle s’apprête à se laver les mains. Les hachures à la mine de plomb donnent au décor – de toilettes publiques, de chambre d’hôtel -, une obscurité floue renforcée par les ombres portées. Comme dans une vue dédoublée, la même scène se dédouble presque à l’identique dans la partie gauche du dessin. Une seconde silhouette de dos, devant une autre vasque, fait face à la glace. La scène jumelle semble créée par un jeu de miroirs. Des lignes de partage structurent l’œuvre, marquent la cloison et créent une symétrie presque parfaite. Le spectateur est placé en protagoniste et toute la scène se déroule depuis son point de vue. Il est en fait la première silhouette de dos. Il fait face au lavabo, face au miroir, face à lui-même.

« Je est un autre » affirme Arthur Rimbaud. Le spectateur serait-il en train de se laver les mains. Pour se nettoyer, se purifier, se détacher ? Tout à la fois acteur et voyeur ? Claire Lancien utilise les lignes et les bordures pour structurer son dessin et encadrer ses personnages. Enfermés dans une pièce, dans une boite ou dans un cadre, ils se retrouvent bloqués dans leur schéma mental, prisonniers de leurs pensées. Autobiographiques ou inspirés au fil de rencontres marquantes, ses portraits sont avant tout des portraits intérieurs aux identités morcelées. Le titre de l’œuvre l’indique, l’identité portraiturée est fragmentée et multiple. Elle est l’héritière d’une ascendance et de tout ce que sa lignée charrie d’histoires et de traumatismes. Le père et la mère sont alors deux archétypes fondamentaux. Hantée par la figure du double, l’œuvre de Claire Lancien a parfois les résonances fantasmagoriques de celle d’un Fred Deux. Une désillusion en émane sans pour autant céder totalement à la noirceur. Claire Lancien est soutenue par l’association Egart depuis 2018.