Sur les deux faces d’une grande pièce de carton aux contours irréguliers, se raconte une histoire. Celle d’un personnage en promenade au beau milieu d’une nature luxuriante. Au recto, l’espace peint est saturé de motifs végétaux. Les touches du pinceau tracent des points et des lignes, ensemble de micro-motifs d’où surgissent les éclats vifs d’un soleil de plomb. Entre les coups brossés, on distingue la fine silhouette du protagoniste représenté plusieurs fois dans des postures différentes. De haut en bas, le regard circule comme dans une bande dessinée. Le passage d’un registre à un autre est matérialisé par des gerbes noires de branchages horizontaux. Au verso de l’œuvre, le paysage est moins dense. Quelques grands conifères parsèment une steppe aride. On reconnaît cette fois clairement Szäp, personnage inventé par l’artiste. Ce joyeux acrobate apparaît, tête en haut, tête en bas, bras levés, réduit ici à un simple buste surmonté d’un visage hilare. Il joue facétieusement avec les éléments du décor, tiges géantes aux larges feuilles triangulaires en ailes de papillon.

Grégoire Koutsandréou a 19 ans lorsqu’il fixe avec cette oeuvre recto-verso, les premiers éléments de son vocabulaire. Sur le modèle d’une bande dessinée, il imagine les aventures d’un jeune personnage cabriolant au beau milieu d’une végétation luxuriante. Comme chez la majorité des artistes d’art brut, ce schéma initial codifié ne peut évoluer qu’en fonction d’une logique personnelle complexe. Dans un autre tableau conservé dans la collection, intitulé Deux-Sèvres réalisé en 2016, il met en place ou développe de nouveaux éléments. Motif de carte de géographie associée à un calendrier du futur, herbier avec nom latin de la plante, choix précis des couleurs. Ici, la palette chaude et vibrante évoque peut-être l’Afrique que Grégoire Koutsandréou a beaucoup regardée et imaginée avec peut-être des réminiscences des façades peintes des maisons de Tiébélé. Adolescent il rêve de devenir ouvrier agricole au Burkina Faso, consulte des cartes, visionne des films documentaires. Il s’intéresse aussi à la culture aborigène. Son imaginaire est fertilisé par un exotisme et une envie d’évasion que l’on retrouve dans ses peintures en 2004 et 2005. Toute son œuvre est traversée par une faune et une flore riches et singulières, mêlant curiosité scientifique et invention. Grégoire Koutsandréou est soutenu par l’association Egart depuis 2014.