Un grand voilier habité navigue sur les flots. Il file plein ouest, nez au vent, l’œil grand ouvert. Ses larges voiles suspendues à de hauts mâts sont habitées. Elles abritent un microcosme d’être en exil. Le vaisseau refuge est guidé par des créatures féminines qui l’entourent et flottent autour de lui. Elles orientent et indiquent la direction, droit devant. Entre les passagers, de multiples scènes se déroulent. L’œuvre, dense et luxuriante, déborde de vies qui s’en mêlent et s’enchevêtrent du pont à la cime. Dans les voiles, ce sont des chambres et parfois des îlots bâtis, des morceaux de cités qui s’animent. Les passagers du navire sont souvent représentés par paires. Les couples voguent vers l’utopie et l’au-delà. Sous la coque, deux créatures s’enlacent et s’embrassent à la lisière de la feuille où leur corps disparaît. Est-ce l’étreinte originelle ? De ce baiser fondateur dans les eaux primordiales seraient nées toutes les grandes échappées fondatrices, tous les grands récits mythiques. Vaisseau d’Ulysse, arche de Noé ou bateau de Thésée.
En perpétuelle métamorphose, le monde flottant d’Ody Saban évoque plus qu’il ne raconte. L’artiste travaille sa composition par strates. Elle superpose des dessins à l’encre pour construire sa superstructure. Différents mondes et niveaux de réalité s’imbriquent. Des fragments de mondes rêvés, de civilisations perdues et de grands mythes. Elle utilise une technique orientale qui consiste à peindre à l’encre de Chine sur un papier très fin, avec une minutie arachnéenne. Un papier dont la délicatesse le rapproche d’un épiderme que l’on tattoo, d’une peau jamais cicatrisée que l’on gratte et recoue. Et aussi de voiles que l’on superpose. Le rendu final naît d’un travail subtil d’apparition et de disparition, ce que l’on donne à voir et ce que l’on masque. Tout en transparence, le papier peut aussi, selon les mots de l’artiste, se plier, se froisser, se mettre en boule. Il peut ainsi être glissé dans une poche pour que le navire de papier voyage. L’œuvre d’Ody Saban est présente dans de nombreuses collections, dont celle du LAM, musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de l’île Villeneuve d’Ascq, de la neuve invention collection d’art brut de Lausanne et du Folk Art Museum à New York.
L'œuvre est un lieu tout à la fois tragique et poétique, traversé par les événements historiques ou les grands récits universels.
L'univers dessiné d'Amine Benchat prend sa source dans les multiples influences qui ont façonné la culture marocaine, notamment visuelle, de l'écriture aux arts décoratifs ou à l'architecture. Ody Saban développe une œuvre poétique en perpétuelle métamorphose comme des fragments de mondes rêvés, de civilisations perdues et de mythes ancestraux. Les dessins, peintures et films de Michel Nedjar permettent d'appréhender les thèmes qui sous-tendent l'ensemble de son univers, l'enfance et le primitivisme, la vie et la mort, la magie et le voyage. Livio Sapotille est nourri de culture Caraïbes. Dans ses dessins, les réminiscences du vaudou se mêlent à sa passion pour la faune aquatique de Basse-Terre. Les dessins de Marilena Pelosi, née au Brésil, sont empreints de références au sacré. Ses personnages miment un théâtre de la cruauté traversé de transes, d'exorcismes, de processions religieuses et de carnavals, souvent dans les larmes et le sang. Louis Liquard invente la saga «Vortex City» sous forme d'une bande dessinée inspirée par les écrivains H.P. Lovecraft ou E.A. Poe, les auteurs de science-fiction, de jeux vidéo de la Dark Fantasy... Celui qui se fait appeler Prophet Royal Robertson dénonce sur des cartons de même format, les ravages de l'adultère, de la prostitution ou de la drogue en s'appuyant sur des formules numérologiques inventées qu'il mêle aux versets de la Bible.
Se promener dans la salle d’exposition comme dans un vrai musée, découvrir peintures, dessins et sculptures en 3D et écouter le conférencier présenter les cinq thèmes de la collection. Voilà ce que la galerie Art Sans Exclusion vous invite à vivre.