Au fond d’un atelier, le bruit des outils côtoie celui de vieilles machines enrayées qui murmurent leur histoire mécanique. Au centre de deux pages de cahier, deux machines à coudre d’un rouge sang vif, occupent tout l’espace. On semble avoir repassé plusieurs fois, avec insistance, sur les contours, épais et contrastants. Leur silhouette est à la fois très réaliste et légèrement ondulante. Volants arrière et tiges porte-bobine fourmillent de détails. Chaque machine semble ainsi porter coiffes et parures ornementées. Sur leur corps, le nom de leur modèle est écrit en lettres capitales : NEWCOL et FOMATA. Deux tampons circulaires, apposés sur chaque dessin, indiquent « le Machinistre – établissement qui sait l’avenir – réparation des machines à coudre ».
Ezékiel Messou aime l’anatomie de la machine. Dans une démarche d’inventaire quasi encyclopédique, il dessine minutieusement sur des cahiers d’écolier tous les modèles qui passent entre ses mains de réparateur. En y apposant le sceau de son entreprise, il en certifie l’authenticité. Cependant, malgré un souci d’exactitude, Ezékiel Messou prend des libertés avec la forme, donnant à ses machines un aspect de plus en plus organique. Une inventivité créative qui les distingue du dessin technique. Il rejoint ainsi la famille des artistes fascinés par la mécanique, de Francis Picabia à Gaël Dufrène, autre artiste de la collection. Présentes en nombre dans la Collection de l’Art Brut à Lausanne, les œuvres d’Ezékiel Messou sont également conservées au Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut Lille-Villeneuve d’Ascq, et dans la collection Treger-Saint Silvestre au Portugal. En 2021, la galerie Françoise Livinec montre son travail dans une exposition collective. Le Fond Art Sans Exclusion a acquis deux autres de ses dessins.
L'artiste met au point un processus de fabrication précis dont l'œuvre va garder la trace. Celle de la main qui fait et celle du mode opératoire.
Gaël Dufrène part d'un premier modèle qu'il dessine, l'agrandit souvent. Il assemble parfois plusieurs vues qu'il retravaille en couleur. La légende fait partie intégrante du dessin. Anna Zemánková découpe papiers et tissus, parfois ciselés en relief, et crée d’étranges et complexes structures végétales. ACM crée une œuvre en expansion à partir d'éléments de métal récupérés, oxydés et assemblés. Les modules dessinés par Simon Le Fur sont répartis sur la feuille comme des sculptures dans un espace d'exposition avec certaines réminiscences du geste du graffeur qu'il fut, au début de sa pratique. Jill Gallieni dessine à l'encre des formes imbriquées qui prolifèrent comme des bulles de paroles incantatoires. Les variations de couleurs structurent l'espace. Wytze Hingst compose des séries de dates, heures et codes, parfois combinées à des lettres. La surimpression de plages de couleur produit des mouvements visuels à haut pouvoir poétique. Chez Hélène Fontana, le motif du visage humain est multiplié à l'infini, tout comme celui des objets, lunettes, chaussures, chapeaux... Une façon de signifier en creux l'absence et la disparition. Mécanicien, Ezékiel Messou, trace à même les murs, puis sur des cahiers d'écolier, le schéma des machines à coudre qu'il doit réparer, comme une collection dessinée. Béatrice Dromas a choisi la technique du collage, comme avec la série des Cœurs - râpé, pressé, épinglé - pour rendre compte de la violence des émotions, ou la série Dissociation, par une approche fractionnée du réel.
Se promener dans la salle d’exposition comme dans un vrai musée, découvrir peintures, dessins et sculptures en 3D et écouter le conférencier présenter les cinq thèmes de la collection. Voilà ce que la galerie Art Sans Exclusion vous invite à vivre.