Un grand visage ovale est représenté de face. Yeux écarquillés et bouche grande ouverte, toutes dents dehors. Vertical, il occupe presque tout l’espace de la feuille de papier. De grands cils de poupée et deux rides sur le front lui donnent du caractère. Le trait est spontané, presque enfantin. La mâchoire sur laquelle apparaissent quelques poils de barbe est plus marquée. Sur la pommette gauche : une graphie scripturale, comme un autographe. Sur l’autre joue, un petit personnage en pied regarde droit devant lui. Son corps est recouvert d’une dentelle d’encre comme s’il portait une combinaison d’écailles. Entre le nez et la bouche du grand visage, deux lignes accidentées dessinent une moustache qui forme un chemin pour le petit personnage. Qui est donc ce dernier, qui semble trotter à l’intérieur de la grande tête ? Une idée, un souvenir ? Revient-il perturber les pensées du géant ? Vient-il, petit virus, parasiter le corps d’un Gulliver de papier ?

La figure humaine est le sujet principal de l’œuvre de Gaston Chaissac. Son œuvre est peuplée de figures élémentaires dont les contours sont dessinés d’un épais trait noir. D’une cellule originelle, ici la tête, naît une composition narrative parcellisée. Deux personnages gigognes, deux histoires qui s’emboîtent et se déroulent à l’intérieur l’une de l’autre. Le titre de l’œuvre éclaire peut-être cette narration à plusieurs niveaux. L’année des fameuses vaccinations, peut faire référence au vaccin du BCG en passe de devenir obligatoire en 1949, année de réalisation de l’oeuvre. Gaston Chaissac, qui a fait plusieurs séjour en sanatorium durant la guerre a pu rencontrer de nombreux malades de la tuberculose. Le petit personnage pourrait représenter le virus lui-même. Le titre-légende, inscrit en bas à gauche, fait partie intégrante de l’œuvre. Comme dans les calligrammes que l’artiste réalise dans les années 40. Épistolier aux correspondances fournies, poète prolifique, Gaston Chaissac accorde une place toute particulière à l’écriture. Son œuvre est principalement conservée en Vendée, dans les collections du Musée de l’abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne. On la trouve aussi au Moma de New-York, au Centre Pompidou, musée national d’art moderne, et dans les collections de l’Art Brut à Lausanne.