Un lutin s’amuse dans un jardin fabuleux. Il exulte, cabriolant de branche en branche, de buisson luxuriant en bouquet extraordinaire. Cet elfe bondissant est habillé d’un pantalon. Le torse nu, il est coiffé d’un curieux petit couvre-chef. Il est représenté vingt-huit fois dans cette toile-étendard qui s’étire en hauteur comme une bande dessinée. Étroite et longue, elle est composée de quarante-cinq cases réparties sur quinze rangées. Chaque case est dédiée à une espèce végétale différente, représentée trois fois à des échelles variées, comme à des stades successifs de croissance. Arbres fruitiers en espalier ou fleurs exotiques, inventées ou non, ces espèces semblent extraites d’un herbier tropical. Feuilles délicatement dentelées, ou incisives comme des fleurs carnivores, hautes tiges élastiques, branches en volutes, pétales protéiformes et lourds pistils à aigrette. C’est un véritable paradis que peint l’artiste, pour une histoire sans parole, emplie de malice et d’innocence, dans une nature vierge.

Dans cette toile géante, Grégoire Koutsandréou renoue avec les grandes bannières dites médiévales qu’il a réalisées en 2004, destinées à être déployées et suspendues comme les tapisseries au Moyen Âge. Grand lecteur de bande-dessinée, c’est par nostalgie de ses héros d’enfance, que l’artiste décide en 2003 d’en réaliser lui-même. Il est encore au lycée agricole lorsqu’il crée une bande-dessinée d’une vingtaine de planches sur papier dont une suite de quatre originaux se trouve également dans la collection. Depuis cette date, il se plaît à représenter de façon quasi exclusive la même scène pour lui fondatrice “Il y a un personnage, il y a un jardin, mais il n’y a pas d’histoire” dit-il. Le seul fil conducteur est constitué par le personnage de Szäp, son personnage fétiche, peut-être autobiographique. Le végétal y est déjà central. Avec des plantes imaginaires que l’on retrouve aussi sur les pages d’un carnet qu’il réalise en 2016. Autodidacte, Grégoire Koutsandréou élabore ses créations, comme souvent les artistes d’art brut, selon une combinaison immuable et très codifiée de couleurs et de motifs répétitifs. Il donne à voir un Eden, une enfance de l’Humanité, à des années lumière du bruit et de la fureur moderne, Grégoire Koutsandréou est soutenu par l’association Egart depuis 2014.