Des faisceaux de couleurs comme des jets violents poudreux s’abattent sur sol. Est-ce un sublime jeu de lumières irisées ou une explosion mortelle qui déchire le ciel comme le titre allemand « Beschuss » – bombardement – l’indique ? La scène est énigmatique. Les croisements de lignes obliques se dirigeant vers le bas de la feuille structurent l’œuvre coupée en deux par une ligne d’horizon. Le ciel est blanc de fumée. Le sol terreux est sombre comme de la suie. Au premier plan à droite, les seuls éléments réellement figuratifs sont deux petits personnages, regards tournés vers le ciel et qui se pressent l’un contre l’autre. Leur silhouette rudimentaire, croquée au pastel blanc ressemble à un dessin d’enfant tracé à la craie sur un tableau noir. Leur corps est coupé par le cadre. Seul leur visage est visible.
La poursuite mentale hors du champ de la feuille de papier laisse libre cours à l’imagination et au questionnement. Que regardent-ils ? Qu’y a-t-il là-haut que leurs yeux suivent ? Ce choix de cadrage rappelle celui d’une autre œuvre de Miriam Cahn issue de la collection. Dans cette œuvre sans titre une menace sourde semble aussi s’abattre sur un groupe d’enfants apeurés. Les faisceaux sont peut-être des explosions qui déchirent l’obscurité de la nuit, des traînées d’armes chimiques, des ondes électromagnétiques ou des radiations.

Miriam Cahn est une artiste féministe et pacifiste, engagée dans une lutte contre l’arme nucléaire. Ce bombardement aux allures de feu d’artifice réalisé en 2011, n’est pas sans rappeler sa série « Atom Bombs » réalisée dans les années 80 durant la première guerre du Golfe. Elle y a représenté des sortes de méduses multicolores qui sont en réalité le nuage-champignon nucléaire lui-même. De nombreuses œuvres de Miriam Chan témoignent de la beauté toxique de la bombe atomique. Plus qu’une sublimation, cette abstraction à la chromie vive et subtile traduit l’ambiguïté et l’indicible horreur d’une arme de destruction raffinée. Artiste majeure de la scène contemporaine, Miriam Cahn a été exposée à la Biennale de Venise en 1984 ainsi qu’à la Documenta de Kassel en 1982 et en 2017.